La Roche-Guyon en bref
Département : Val-d'OiseCode postal : 95780
Population : 0 habitants
Région : Ile-de-France
Arrondissement : Pontoise
Canton : Magny-en-Vexin
Histoire de La Roche-Guyon
HéraldiqueLes origines
Château de La Roche-Guyon
L'escalier, creusé dans la craie, menant au donjon
Le nom du village provient du latin rupes, roche et de l'anthroponyme Guido, la roche de Guy.
Une villæ gallo-romaine existe probablement vers les IIIe et IVe siècles après J.-C., mais aucune découverte ne l'atteste, même si le plateau du Vexin est occupé dès la préhistoire et voit un important réseau de villæ gallo-romaines s'implanter dans le Vexin français, à Rhus ou Genainville en particulier. Aux premiers temps du christianisme, une légende raconte que Pience, veuve du propriétaire du domaine et plus ancien personnage connu de l'histoire de La Roche, rencontre saint Nicaise, l'évangélisateur du Vexin, contemporain de saint Denis. Elle fait alors creuser au lieu de la rencontre un sanctuaire, qui serait la nef ouest de l'actuelle chapelle du château.
Une petite nécropole mérovingienne mise au jour atteste de la présence d'une petite communauté humaine durant le haut Moyen Âge[7].
Mais c'est le traité de Saint-Clair-sur-Epte conclu en 911 qui place le site de La Roche dans une position stratégique exceptionnelle de frontière face au duché de Normandie, sur la rive droite de l'Epte. Un premier château troglodytique est édifié pour défendre l'Île-de-France, territoire royal, dans le cadre de la fortification de l'Epte. Il est décrit par Suger en ces termes :
« Au sommet d'un promontoire abrupt, dominant la rive du grand fleuve de Seine, se dresse un château affreux et sans noblesse appelé La Roche-Guyon. Invisible à sa surface, il se trouve creusé dans une haute roche. L'habile main du constructeur a ménagé sur le penchant de la montagne, en taillant la roche, une ample demeure pourvue d'ouvertures rares et misérables. »[8].
Vers 1190, un donjon est édifié relié au château par un escalier souterrain d'une centaine de marches creusé dans la falaise, il domine les vallées de la Seine et de l'Epte dans une position stratégique exceptionnelle. Au XIIIe siècle est construit le manoir d'en bas qui fait peu à peu disparaître le château troglodytique, l'ensemble constituant alors avec le donjon une remarquable forteresse double.
Les Guy de La Roche
La famille des Guy de La Roche sont les seigneurs du fief du Xe au XVe siècle. Au XIIe siècle, Guy de la Roche est un fidèle vassal du roi Philippe-Auguste, qui séjourne au château en 1185 et récompense sa loyauté en lui accordant le droit de péage pour les bateaux navigant sur la Seine, puis le droit exclusif de chasse partagé avec le roi en la forêt d'Arthies. Ce seigneur est présent à la bataille de Bouvines en 1214 au côté du roi. Le droit de péage procure d'importants revenus à la famille de La Roche mais des devoirs lui incombent : garantir la navigabilité du fleuve par l'entretien des berges, le dragage, puis à partir de 1480, le halage des navires[9]. Durant la guerre de Cent Ans, Guy VI de la Roche, familier du dauphin, épouse Perrette de La Rivière, fille de Bureau de La Rivière, premier chambellan des rois Charles V (qui est mort dans ses bras[10]) et Charles VI. Mais il est tué à Azincourt le 25 octobre 1415. Sa veuve prend parti pour les Armagnacs comme ses voisins de Château-Gaillard et des Deux-Goulets. En 1419, Rouen le 13 janvier, puis Vernon le 3 février et Mantes le 8 février tombent au mains des Anglais. Un détachement dirigé par Richard de Beauchamp, comte de Warwick est envoyé devant La Roche, mais est surpris par l'opiniâtre résistance rencontrée : le château se révèle imprenable. Après un siège de six mois, Henri V d'Angleterre qui séjourne à Mantes demande une entrevue à dame Perette : le 20 juin, elle doit capituler, les Anglais menaçant de saper les caves. Elle reçoit la proposition de quitter le château, ou de prêter serment, ce qu'elle refuse. Les chroniqueurs Jean Juvénal des Ursins et Enguerrand de Monstrelet rapportent :
« Lors, lui dit le sire roi, si elle voulait pour elle et ses enfants qui estaient jeunes, lui prêter serment, il les laisserait, à elle et à sesdits enfants, ses meubles terres et seigneuries ; sinon il aurait sa place et ses biens ; mais elle, mue d'un noble courage, aima mieux perdre tout et s'en aller, dénuée de tous biens elle et ses enfants que de se mettre avec ses enfants ès mains des ennemis de ce royaume et de laisser son souverrain seigneur ; ainsi elle en partit et ses enfants dénuée de tous ses biens. »
C'est ainsi que le château est finalement occupé par les Anglais en 1419, Perette de La Rivière rejoignant alors la cour du « roi de Bourges ». En 1404, une nouvelle église paroissiale est mise en chantier avec l'autorisation du roi Charles VI afin de remplacer l'ancienne église, démolie deux années auparavant et contiguë au château ; les travaux sont interrompus en 1419 avec l'occupation anglaise et seulement achevés, à l'économie, en 1520[11].
Le roi d'Angleterre confie la seigneurie à Guy le Bouteillier, qui la conserve jusqu'en 1439. Son fils lui succède jusqu'en 1449, date à laquelle le château est finalement repris par Guy VII de La Roche, fils de dame Perette[12].
De la Renaissance au XVIIe siècle
Guy VII de La Roche meurt en 1460 sans postérité mâle, sa fille Marie épouse en secondes noces le chambellan du roi Louis XI, Bertin de Silly en 1474. Le fief passe alors à la famille de Silly, jusqu'en 1628, période pendant laquelle débute une importante période de prospérité. Le château perd sa fonction défensive et se transforme en résidence, qui accueille des personnalités célèbres, jusqu'aux rois de France François Ier et Henri IV[13].
En octobre 1493, Bertin de Silly obtient par lettres patentes grâce à sa proximité du roi Charles VIII l'établissement de deux foires annuelles, mi-juin et fin novembre ainsi que deux marchés hebdomadaires à La Roche. On y négocie le blé, les porcs, et tous les ustensiles et denrées nécessaires aux besoins locaux. En 1504, un grenier à sel est autorisé par Louis XII. En 1513, le fief des Silly est vaste : il s'étend de Copières et Arthies au nord à Rolleboise au sud, et de Aincourt et Guernes à l'est à Limetz à l'ouest. Le seigneur détient le droit de justice et perçoit les impôts et revenus.
Les boves qui constituent des refuges commodes sont généralement habitées par les paysans et leurs animaux, qui procurent la chaleur animale. Leur nom proviendrait d'ailleurs du latin bovis, bovins, ou peut-être de bover, qui signifie creuser en vieux français. Les animaux par leur urine favorisent l'apparition de salpêtre sur les parois de craie blanche, exploitée en retour par les paysans, le village constitue aux XVe et XVIe siècle un important marché où s'approvisionnent les poudreries d'Île-de-France et de Normandie[14].
En 1628, le domaine entre en la possession de la famille Rohan-Chabot et enfin de la famille La Rochefoucauld en 1659 par le mariage de Jeanne du Plessis-Liancourt avec François VII de La Rochefoucauld (1634-1714). Le château reste dans cette famille jusqu'à nos jours, sauf de 1816 à 1829 où il appartient aux ducs de Rohan.
Le 6 août 1693, un effondrement catastrophique d'un pan de falaise détruit plusieurs habitations troglodytiques : il fait six victimes[15].
Le XVIIIe siècle
L'entrée monmentale du château et l'imposante falaise de craie
Au XVIIIe siècle, de grands travaux sont entrepris au château et dans le village par le duc Alexandre de La Rochefoucauld (1690-1762), sixième fils de François VIII de La Rochefoucauld et de Madeleine Le Tellier de Louvois. Ils sont poursuivis ensuite par sa fille, Marie-Louise de La Rochefoucauld (1716-1797), duchesse d'Enville. Le vieux manoir de La Roche-Guyon, d'origine médiévale, ne pouvait plus convenir au duc et à sa mère, fille de Louvois, habitués aux fastes de la Cour.
Le château est doté en 1733 d'une entrée monumentale baroque percée dans son rempart est, elle donne sur un grand escalier donnant sur la salle des gardes et aux pièces de réception. En 1739, la cour d'honneur est entourée de communs qui remplacent les anciennes bâtisses médiévales. Mais la cour basse conservait encore son apparence médiévale, il est donc décidé de la réaménager également. Le duc fait appel à l'architecte Louis Villars, qui édifie des écuries à l'est de 1740 à 1745, très similaires à celles de Chantilly par leur style ou leurs dimensions, la porte centrale est surmontée d'un cheval cabré sculpté par Jamay. Une grande grille d'entrée est installée, couronnée de la couronne ducale et des armes des La Rochefoucauld. Deux pavillons neufs sont ensuite ajoutés au château, le pavillon Villars (ou pavillon Fernand) sur l'emplacement d'une ancienne tour ronde à l'est et le pavillon d'Enville, bâti en « L » sur une cour, à l'ouest. En 1741, un petit observatoire est créé sur la terrasse occidentale.
Le village voit ses rues pavées, puis un système d'adduction d'eau sous pression est créé en 1742 : l'eau est captée à Chérence, sur le plateau du Vexin, puis acheminée par un aqueduc de 3,2 kilomètres enjambant la charrière des Bois à un réservoir creusé dans la falaise, au-dessus des communs du château. Il alimente ensuite les cuisines et appartements et est accessible aux habitants alimentant également le potager et la nouvelle fontaine du village, sculptée par Jamay. Jusqu'alors, les villageois puisaient directement l'eau de la Seine[16].
Une fois ces travaux effectués, le duc se concentre sur la voirie : la route de Gasny est percée de 1744 à 1762, ainsi que la rue de la Sangle qui la relie à la Vieille Charrière. Les routes sont bordées d'arbres, noyers et ormes, tandis que les rives du fleuve sont plantées de saules tilleuls et peupliers.
La duchesse d'Enville fait ensuite aménager une promenade dans l'île aux Boeufs, à l'ouest du village. À partir de 1769, un parc paysager est aménagé à l'ouest et planté de cèdres du Liban, puis un vaste parc d'une quinzaine d'hectares est dessiné, comprenant une belle futaie d'essences nobles, une glacière, travaux conçus par la duchesse afin également de donner du travail aux villageois en ces périodes de disette.
Au milieu du XVIIIe siècle, le duché comprend les paroisses de La Roche, Gommecourt, Clachaloze, Bennecourt, Limetz, Villez, Amenucourt, Roconval, Beauregard, Chérence, Copierres, Montreuil-sur-Epte, Haute-Isle, Chantemesle, Vétheuil, Aincourt, Saint-Martin-la-Garenne, Sandrancourt, Guernes, Moisson, Rolleboise, Méricourt, Freneuse et Bonnières[17].
Le salon de la duchesse est très fréquenté par de grands esprits du siècle des Lumières, comme Turgot, qui y séjourné sept mois en 1776 après sa disgrâce, Condorcet (en 1785 et 1791), l'agronome anglais Arthur Young, le peintre Hubert Robert qui a un moment un atelier au château, ou encore d'Alembert, les Choiseul, les Rohan[18].
De la Révolution à 1900
Pendant la Révolution française, le village prit le nom de La Roche-sur-Seine et devient le 15 janvier 1790 chef-lieu d'un canton éphémère de douze communes jusqu'en 1801.
Le 2 octobre 1793, le Conseil Général de Seine-et-Oise ordonne la destruction du donjon afin d'éviter qu'il ne tombe aux mains des contre-révolutionnaires. Le donjon est arasé d’un tiers, pour ne plus mesurer que vingt mètres de nos jours, mais le travail n'est pas terminé, les démolisseurs s'étant semble-t-il vite lassés de cette besogne. Les pierres tombées constituent alors des matériaux bon marchés et servent à édifier d’autres bâtiments dans le village, chose courante à cette époque, la pierre étant rare et chère[19].
Avec la Révolution, La Roche-Guyon connaît une importante mutation. Au XIXe siècle, le château évolue peu dans son ensemble, en revanche le village se transforme : d'un important centre de négoce, avec son marché hebdomadaire aux porcs et au blé, il devient progressivement un lieu de villégiature. Les maisons occupées par les administrations ducales deviennent des résidences de vacances pour bourgeois parisiens.
En 1812, des travaux sont entrepris dans l'église : agrandissement des chapelles nord et consolidation du clocher avec installation d'une nouvelle cloche. Plusieurs éboulements désastreux se déroulent pendant le siècle : le 3 janvier 1810, un pan de falaise s'effondre sur des caves et une maison tuant un enfant. D'autres éboulements ont lieu en 1835 et 1894. En 1832, le village est victime de la grande épidémie de choléra ; en trois semaines, trente-deux habitants en succombent. Le soir du 12 décembre 1840, la flotille commandée par le prince de Joinville ramenant les cendres de Napoléon de Sainte-Hélène fait halte à La Roche. En 1841, le dernier loup est tué et pendu[20].
Au XIXe siècle, le port de La Roche-Guyon constitue le débouché fluvial de deux activités industrielles du Vexin français : la carrière de pierre de taille calcaire de Chérence et les laminoirs de Bray-et-Lû, qui, actionnés par l'Epte, produisent des feuilles de zinc qui sont stockées à La Roche dans un entrepôt à proximité du port. Mais le chemin de fer construit dans la vallée de l'Epte est plus rapide et pratique et le port fluvial est rapidement délaissé[21].
En 1821 puis en 1835, Victor Hugo séjourne au village[22] En 1850, le comte Georges (1821-1861), fils cadet du duc François XIV (1794-1874), obtient de son père qu'il abandonne un petit enclos et une maison de garde afin d'accueillir des enfants convalescents des hôpitaux de Paris. Puis, sous la forme demande, il faut louer les maisons environnantes. En 1854, le pavillon, baptisé plus tard « de La Rochefoucauld », est édifié. Le comte Georges décède en 1861 et est inhumé dans la chapelle de l'hospice, il lègue les bâtiments en nue-propriété à la communauté des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, ou çà défaut, à l'Assistance publique de Paris ; c'est cette dernière qui en hérite. Dès lors, cent onze enfants sont accueillis et soignés dans les locaux, répartis dans sept salles et surveillés par dix sœurs. En 1890, un bâtiment supplémentaire est édifié grâce à un leg de monsieur Fortin, en faveur des enfants pauvres des écoles congréganistes de Paris. La direction était assurée par le directeur de l'hôpital Trousseau à Paris[23].
Les boves, habitations troglodytiques vers 1900.
Après la guerre de 1870, La Roche ne compte plus qu'environ six-cents habitants alors qu'il en possédait plus de mille à la veille de la Révolution. Le centre du village est néanmoins voué au commerce et demeure très actif le jour du marché en particulier. On y trouve un cabaret, une pharmacie, un boulanger, un ferblantier, un boucher, un charcutier et un maréchal-ferrant près de la mairie. Un bureau de poste existe depuis 1826, en annexe de Bonnières. La Roche compte pas moins de douze auberges, parmi les plus importants, La Maison Rouge, Le Donjon, L'hôtel de France, L'hôtel du Pont, L'hôtel de la Poste. Les pauvres logent dans les boves, tandis que les fermes des vignerons se situent pour la plupart sur les charrières. Les coteaux sont couverts de vignes, dont beaucoup possèdent quelques arpents. Le vignoble est pourtant peu lucratif car situé sur un terrain peu favorable, tout en demandant en revanche beaucoup de travail. Le vin est pour l'essentiel destiné à la consommation locale. On accède au village par le pont suspendu sur la Seine, ou en empruntant « la patache » sur la rive droite, qui met près de trois heures à parcourir la vingtaine de kilomètres, avec de fréquents arrêts[24].
Un natif de La Roche-Guyon, Auguste Guerbois, ouvre aux Batignolles à Paris un café qui devient célèbre : il accueille dans son établissement le groupe des Batignolles, les peintres impressionnistes. On y trouve autour d'Édouard Manet, Edgar Degas, Alfred Sisley et leurs amis. Vers 1865, Camille Pissarro peint La Promenade à ânes à La Roche-Guyon et une autre toile au centre du village vers 1867 ; puis en 1880, il exécute une pointe sèche intitulée Château de La Roche-Guyon. Claude Monet qui loge à Vétheuil puis à Giverny fréquente régulièrement le village ; il y peint La Seine entre Vétheuil et La Roche-Guyon et Le Château de La Roche-Guyon en 1881. Durant l'été 1885, c'est au tour d'Auguste Renoir de séjourner au village, à l'étage de l'actuel café tabac ; il le représente dans Paysage à La Roche-Guyon, avant de revenir plus brièvement au village l'année suivante. Il reçoit également Paul Cézanne en juin 1885, qui entreprend une toile qu'il n'achève pas[25].
De 1900 à 1940
La Roche-Guyon pendant les inondations de 1910.
Le nouveau Pont en ciment armé.
Oublié par le chemin de fer, et ayant perdu quasiment toute activité fluviale, le village connaît un important déclin économique qui, en contrepartie, contribue à préserver son site de l'urbanisation et à en affirmer la vocation résidentielle et touristique. Néanmois, les péniches qui ne circulent alors pas de nuit continuent à y faire halte et les mariniers, du Nord et de Belgique en particulier, y restent nombreux. En 1910, le village est lui aussi victime des inondations qui touchent la région, on circule alors en barque dans les rues noyées sous deux mètres d'eau[26].
Deux ponts successifs enjambent la Seine, large à cet endroit de 170 mètres : le premier construit en 1840 fonctionne jusqu'en 1914. De 1914 à 1934, un bac relié à une poulie glissant sur un câble permet aux voitures de traverser le fleuve ; les piétons quant à eux le traversent en barque. Grâce à la ténacité des maires de l'époque, Louis Guy puis le docteur Marcel Petitclerc à partir de 1929, le second pont est mis en chantier en octobre 1932 et inauguré le 7 juillet 1935. Il s'agit d'un pont en béton à arche unique, le plus long d'Europe à sa construction. Mais victime du second conflit mondial, il est dynamité à l'aide de 400 kg de cheddite par le Génie français le 9 juin 1940 causant d'importants dégâts au village dont la population n'avait pas été prévenue : 1 400 carreaux sont brisés au château, 800 à l'hôpital, tous les vitraux de l'église sont détruits et les habitations sont pour beaucoup rendues inhabitables. Le pont n'a jamais été remplacé depuis[27].
La Seconde Guerre mondiale
Aucun fait majeur ne trouble le village hormis les habituelles réquisitions ennemies, jusqu'à ce que les Allemands installent un poste de DCA au château le 17 mars 1943. Le château de La Roche-Guyon est occupé à partir de février 1944 par l'état-major du general-Feldmarechal Erwin Rommel qui le choisit comme siège de son quartier général et il retrouve ainsi provisoirement sa vocation militaire. Le village est alors occupé par plus de 1 500 soldats allemands pour un total de 543 habitants, plusieurs maisons sont réquisitionnées dont la propriété Lamiral (Le Beauversant) qui abrite le système de transmission radio, ou encore la maison Lisch (actuelle maison des enfants), transformée en foyer du soldat et en bureaux. Des boves sont creusées au pied de la falaise et abritent des munitions. Séparées par d'épais murs de craie, elle sont de plus protégées par des portes blindées ; des pare-éclats en béton sont de plus disposées dans les cours du château. Le maréchal Rommel s'installe au pavillon d'Enville, il choisit comme cabinet de travail le grand salon, prolongé par sa terrasse plantée de roses. La famille de La Rochefoucauld vit alors à l'étage supérieur. Selon les témoignages habitants, Rommel n'est pas un nazi, aucun drapeau à croix gammée n'apparaît dans le village et seul le salut militaire à cours, pas le salut hitlérien.
Dès le début de 1944, Rommel sait la défaire nazie inévitable. Au cours d'une rencontre secrète avec Karl Heinrich von Stülpnagel, commandant en chef de l'armée allemande en France, les deux hommes s'accordent sur la nécessité de renverser le régime nazi et de mettre fin à la guerre. Mais leur position sur les moyens divergent : Rommel craint une guerre civile dans le cas de l'assassinat d'Adolph Hitler. Durant les semaines qui suivent, de nombreuses rencontres secrètes se déroulent au château : « Presque chaque jour arrivaient des personnalités du Reich pour s'exprimer librement dans l'oasis de l'état-major de Rommel, loin des griffes de la Gestapo. »[28]
Erwin Rommel en 1942, pendant la campagne africaine.
Parti en permission près d'Ulm le 4 juin 1944, en Bavière, Rommel revient précipitamment à La Roche-Guyon à la nouvelle du débarquement allié en Normandie. Il rencontre Hitler près de Soissons le 17 juin et souhaite le faire venir à La Roche dans le but de le faire arrêter ; mais le dictateur préfère retourner en Allemagne. Le 17 juillet, de retour d'une tournée d'inspection du front en Normandie, la voiture de Rommel est mitraillée par des avions alliées sur la route de Livarot à Vimoutiers. Le chauffeur est tué sur le coup et le général gravement blessé. Après cinq jours de coma, il est amené à l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye avant d'être transféré à sa demande en Allemagne auprès de sa famille. le maréchal Hans Günther von Kluge arrive le 19 juillet à La Roche pour le remplacer dans ses fonctions. Lors d'un dîner le 20 juillet au château, von Kluge refuse de se rallier aux idées de von Stulpnagel qui souhaite soutenir la rébellion et capituler. Suite à l'échec de l'attentat contre Hitler le 20 juillet, von Kluge se suicide le 18 août, et Rommel, accusé de haute trahison, reçoit l'ordre de se suicider le 30 octobre 1944 afin de le préserver lui et sa famille d'une arrestation et d'une condamnation à mort.
Le 18 août 1944, l'armée allemande évacue le village. La Roche-Guyon subit alors un inutile bombardement allié la soirée du 25 août 1944, les Allemands ayant alors tous déjà quitté les lieux ; soixante-quatre bombes frappent le village et huit le château. Le bombardement détruit la plus ancienne maison du village datant de 1520, les communs du château sont anéantis, la toiture des écuries s'effondre et le château lui-même est éventré, mais le village ne déplore aucune victime, les boves ayant, fidèles à leur usage, servi d'abris[29].
De 1945 à nos jours
Après guerre, de longues restaurations sont engagées en priorité, le domaine ayant été classé monument historique le 6 janvier 1943. Les parties les moins atteintes sont mises hors d'eau, puis les travaux se succèdent : la tour carrée en 1946, la couverture de l'escalier d'honneur et le passage de la chapelle en 1948, une partie des intérieurs de 1948 à 1953, les écuries en 1956, les communs en 1959[30].
La rue principale.
La dernière récolte de raison a lieu vers 1950, le vignoble de La Roche qui couvrait quarante hectares de coteaux en 1900 ayant résisté au phylloxéra qui décime la vigne francilienne au début du siècle mais pas à la maladie du « court-noué » qui détruit les derniers ceps. Le vin de La Roche était nommé le « petit Couillotin » à cause de son goût caillouteux dû aux silex. Des abricotiers remplacent un temps la vigne mais les coteaux retournent rapidement en friche.
Durant les années 1960, des technocrates imaginent la création d'une Brasilia à la Française, regroupant ministère et administrations ; mais le projet restera heureusement sans suite. Le lieu est également le cadre de la bande dessinée Le Piège diabolique d'Edgar P. Jacobs parue en 1960-1961, le décor étant digne de la légende comme l'affirme le héros de l'histoire, le professeur Mortimer. Divers promoteurs ont également rêvé de bétonner les coteaux en y construisant des immeubles avec « vue imprenable » ou une marina sur la Seine, mais les municipalités successives ont rejeté tous ces projets, souhaitant préserver le site[31].
La commune de La Roche-Guyon est membre fondatrice du parc naturel régional du Vexin français, créé en 1995. La Roche-Guyon est le seul village d'Île-de-France à faire partie des plus beaux villages de France. En 2003, un arrêté préfectoral autorise la création de l'établissement public de coopération culturelle du château de La Roche-Guyon[32]. Cet établissement public prend la suite de l'association de sauvegarde et d’animation du domaine créée en 1995 pour assurer l'animation culturelle du site.
source : Wikipedia
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