Les Paroches en bref
Département : MeuseCode postal : 55300
Population : 0 habitants
Région : Lorraine
Arrondissement : Commercy
Canton : Saint-Mihiel
Histoire de Les Paroches
Récit du père Denis Emile VULCAIN (01-04-1879 à LUGNY, décédé en 1949 à ORAN)Ses souvenirs de guerre 14/18
L’Église et la Sacristie des Paroches (Meuse)
C’est au mois de Septembre que les Allemands s’avancèrent brusquement sur St. Michel. Ils ne furent arrêtés que déjà maîtres de la ville et établis dans Chauvoncourt, faubourg sur la rive gauche de la Meuse.
Sur la même rive, à 1 Km, au nord de Chauvoncourt, se trouve le village des Paroches. Actuellement et presque depuis la prise de St. Michel, les frc... et tranchées adverses, distantes de 100 m au plus passent entre Chauvoncourt et les Paroches.
Ce village des Paroches est le plus proche village pour les feux de l’artillerie allemande qui est établie sur le versant est de la vallée: partie des Hauts-de-Meuse; collines de St. Michel, camp des Romains.
Cette artillerie n’a pas manqué de ravager le village, soupçonnant, non sans raison, que nos soldats s’y abritent dans les caves, tout prêts à porter secours à leurs camarades des tranchées. Depuis 5 ou 6 mois, presque chaque jour, le village reçoit quelques obus. Et si la consigne de ne pas se montrer et de ne pas faire de fumée le jour - et la nuit de ne pas laisser filtrer de lumière - se relâche et quelqu’un commet une de ces négligences et imprudence, c’est un vrai bombardement.
L’Église avait un beau clocher et dans une longue, plate et large vallée, ce clocher pouvait servir d’observatoire. Dès les premiers jours il eut l’honneur d’être démoli et avant lui l’église elle-même. Beau clocher, belle église, riche village. Tous les habitants du pays le répètent. Et s’il est possible par des ruines d’en juger un peu, j’en ai jugé pour confirmer cette réputation. Au jour de l’attaque de St. Michel, 1ers jours du bombardement des Paroches, les habitants terrifiés évacuèrent précipitamment. Mr le Curé partit aussi et, croyant sans doute à une contre-offensive certaine des nôtres, il négligea de consommer les saintes espèces, d’emporter les vases sacrés et d’emporter également ses propres valeurs.
La situation des Allemands s’affermissant, il pria un capitaine de lui rapporter les vases sacrés et les saintes espèces et un autre de retrouver ses valeurs dans son presbytère démoli et incendié. Ces deux missions réussirent, au moins partiellement.
Depuis 3 ou 4 mois, notre service de brancardiers divisionnaire nous conduit fréquemment aux Paroches pour le transport nocturne des blessés et des malades. Notre poste d’attente est une cave. Un jour de brouillard, je pus sans danger entrer dans l’église et explorer ainsi que la sacristie. Que reste-t-il de cette église? Une statue du Sacré-Cœur, une cloche tombée du clocher sans dommage. D’un magnifique chemin de croix, pas une station intacte. Tous les vitraux arrachés et en miettes. À la place des 3 autels, 3 monticules de débris. Les débris s’entassent 1 ou 2 m. au dessus du parquet - recouvrant les bancs dont quelques rares parties émergent. C’est un casse-cou que l’exploration de ces ruines. Du plateau de décombres remplissant le chœur, derrière le monceau qui marque le maître-autel, en rampant on passe et on “descend” dans la sacristie. Tout y est bouleversé. Placards à demi enterrés sous les décombres - plafond décollé qui tombe et pend en plusieurs points sur le parquet. Pourtant là, dans cette sacristie, on peut sentir le parquet sur un ou deux mètre carrés et le plafond démolie protège encore à moitié de la pluie. Je remarquai que le matériel religieux était presque intact, très riche et qu’avec quelque peine, enlevant les décombres trop gênants, on pouvait retirer ce matériel des armoires et des tiroirs.
Mon service fini et revenu au cantonnement d’arrière, je fis connaître mon projet à Monsieur l’Aumônier, lui demandant conseil. Je voulais demander à l’état-major de la division l’autorisation de faire le sauvetage de ce matériel, Mr. l’Aumônier m’approuva. Et je partis pour Pierrefitte trouver le Chef d’état-major, qui m’accorda l’autorisation.
Le soir même, avec un brancardier prêtre, Mr Bœuf, Je pars aux Paroches, en mission spéciale cette fois. Arrivés à 8 h. nous mangeons dans notre cave et nous y dormons. À 5 h. du matin, 21 mars, je réveille mon confrère. C’est l’aube du jour. Il faut en profiter pour aller à la sacristie sans être vus des Boches et en revenir avec un premier fardeau précieux. Cette première expédition dure 1/2 h. Nous rapportons un joli butin, le plus facile à extraire et à transporter. À raison d’une demie heure à l’aube et d’une demie heure au crépuscule, notre mission aurait duré 8 à 10 jours. Nous aurions passé peut-être pour des tire-au-flanc. Pour les brancardiers, c’est une vraie fête, un repos, un congé que le service des Paroches, la vie dans la cave, à 1 Km des boches, sous les marmites. Notre vie de cantonnement à l’arrière nous y paraît misérable. Je me décidai donc à aller travailler un peu le jour. Il n’y avait pas de brouillard protecteur comme lors de ma première inspection. Je connaissais heureusement, pour aborder l’église et la sacristie le meilleur itinéraire ou, si l’on veut, le moins périlleux. De maisons en maisons, de jardins en jardins, en m’aplatissant, en me raccourcissant derrière des murs, en me dissimulant dans des boyaux, j’arrivai jusqu’à la mairie-école, dont l’entrée donne en face des casernes de Chauvoncourt et de la côte Sainte Marie occupée par les Allemands.
Là était le passage périlleux. 30 m. en face est l’église entourée d’un cimetière clôturé lui-même d’un mur. Une esplanade sans arbre puis une route séparant l’entrée de la mairie d’une brèche au mur du cimetière. En courant et courbé, je franchis cet espace découvert et j’arrivai debout et vivant au milieu des tombes en ruines. Un observateur ennemi avait eu l’œil sur moi au moment du passage. Allait-il commander aux batteries d’ouvrir le feu sur ce Français qui se faufilait dans l’église pour observer peut-être d’un coin épargné du clocher? Très incrédule, j’en avais pris mon parti. Du reste je fus vite rassuré. Des tombes je passai dans la tourelle du clocher puis, l’œil fixé sur les casernes et la côte Ste-Marie, cherchant les parties les plus basses, les mieux abritées de l’ennemi par des lambeaux de murs ou les décombres, je me glissai de bloc en bloc à travers l’église jusqu’à l’autel. J’avais emporté un pic, j’eus l’inspiration de gratter, de déblayer le centre du monceau de décombres marquant la place du maître-autel. Pas trace de tabernacle. Par la projection ou la chute des voûtes, les miettes avaient du en être projetées à 10 ou 20 mètres. J’arrivai à des lambeaux de velours et de tissus de lin pourris qui devaient indiquer le plancher du tabernacle. Et voilà que des décombres mon pic amène une custode intacte doublement préservée par la voûte et l’écrasement par le pic. Une hostie dans cette custode! Je la vois, collée aux parois de cristal, toute verdâtre de moisissures. De suite, je décide quelle est entièrement décomposée. N’importe! Je ne touche ce trésor qu’avec émotion, et si le temps et le travail ne pressaient pas, je me mettrais à genoux et lui choisirais vite l’endroit le plus décent. Pour continuer mes recherches, je me contente de la placer à un ou deux mètres de moi sur des pierres. Bientôt je ramène un petit ciboire. Son piétement un peu bosselé. Je l’ouvre, il est vide. Il ne servait sans doute que pour le viatique et ne recevait qu’alors le précieux dépôt.
Vraiment, je ne m’attendais pas à ces trouvailles. Un officier, ai-je dit, avait sauvé les vases sacrés et les Saintes Espèces, probablement opérant de nuit précipitamment sans être au courant de tous les vases sacrés, cet officier n’avait guère cherché à droite ou à gauche dans le tabernacle, ces deux précieux vases et cette chère réserve si longtemps ensevelie sous les ruines de l’église. Il ne restait de précieux que la pierre d’autel. Est-elle intacte et l’arracherai-je facilement sans la briser? J’eus encore ce dernier bonheur. Pendant ces recherches un observateur allemand, surtout avec des jumelles, placé au dernier étage des casernes de Chauvoncourt aurait pu voir les mouvements agités de ma tête qui, seule émergeait par dessus les ruines intermédiaires. Sans m’avertir il eut pu m’envoyer de ses nouvelles. Heureusement les yeux de l’ennemi ne sont pas partout, tandis que la main de la Providence est partout. Les adversaires ne firent trêve jamais plus que pendant ces heures-là.
Mon travail fini à l’autel, je me glisse dans la sacristie. Là je puis travailler un peu plus à l’aise. Les fenêtres sont étroites, petites, l’intérieur obscur, à moins d’être averti ou d’avoir vu pénétrer quelqu’un, un œil placé à 1Km. ne peut deviner des mouvements à l’intérieur. Avec mon pic je dégage les portes de tous les décombres, bois et pierres qui les fixent mieux que des cadenas. Pour aller même plus vite, j’enfonce, j’arrache les battants déjà à moitié démolis; puis je dispose en paquets, en ballots tout ce qui doit être emporté le soir. Je suis émerveillé de tout ce que je trouve. Prévoyant la pluie, qui jusqu’au soir peut abîmer ces ornements, sauvés de la poussière mais mis à découvert, je les place dans les parties abritées de la sacristie et je les recouvre. Ces précautions prises, je repars pour ma cave, mon pic dans la main gauche et à la droite la pierre sacrée, le petit ciboire et la custode. Je refranchis le passage dangereux et de maison en maison, j’arrive au port sain et sauf.
J’avertis mon confrère et deux autres prêtres infirmiers qui se trouvaient comme nous en service à la cave, de ma découverte de l’hostie corrompue. Etonnés et heureux, ils la déposent dans une assiette très propre, sur des charbons ardents.
Le crépuscule arriva. Pour rapporter les ballots préparés nous partons 7 ou 8 en expédition. Travail difficile. Difficile le passage de la sacristie au cœur par l’ouverture étroite et encombrée, il faut y passer nos paquets à la chaîne. Difficile le transport dans toute la longueur de l’église. À deux, c’est impossible; l’un des porteurs tomberait dans un trou entre deux blocs pendant que l’autre se dresserait sur un bloc. Equilibre rompu. Comme il y a des ballots lourds et encombrant, un seul se trouve écrasé sous ces charges à travers ce chaos de blocs où les pierres glissent, se tordent, rencontrent des escaliers gigantesques au milieu des ténèbres qui font place au crépuscule. Enfin, avec toute notre bonne volonté , l’aide aussi des bons anges, tout ce qui était préparé sort de l’église et du cimetière environnant. De là, par les rues où il n’y a plus qu’à éviter quelques trous d’obus quelques fils de fer, quelques décombres, nous arrivons à notre cave où tout suants, nous nous déchargeons. 1ère journée bien remplie.
Le lendemain, 25, jour de l’Annonciation, je dis ma messe en actions de grâces, devant la statue sauvée de la Sainte Vierge. C’est une hostie trouvée dans la sacristie des Paroches que je consacre. Elle porte en dessin un ostensoir. N’est-ce pas une custode d’ostensoir que j’ai eu le bonheur de sauver?
Puis notre journée se passe à constituer très soigneusement avec ce matériel, 4 ballots énormes, serrés dans les tapis ou les poêles sauvés - un ballot d’ornements, un de statues, un de linge d’autel, un d’habits d’enfants de chœur; Pour transporter ces ballots à 15 Km. de là, à Couronne, il ne manque plus qu’une voiture. Gros problème! Nous y avons pourvu autant que possible. La veille j’ai fait avertir Mr. l’Aumônier à Couronne, que la pêche était fructueuse, nous aimerions qu’il obtienne qu’on nous envoie cette nuit aux Paroches une voiture d’ambulance. Cette solution irait à ravir. Sinon avec le bon concours de la Providence, nous aurons à nous débrouiller.
A 8 h du soir nos amis de la relève, arrivant de Couronne, nous disent qu’ils n’ont pas entendu parler de voiture. Alors, dans la nuit, je cours au carrefour de la route de Nompcevrin et de la route du fort des Paroches. À ces heures il y a parfois des charrettes apportant du matériel aux avant-postes et qui retournent à vide. Déo Gratias! Justement deux charrettes passent et le sergent chef du convoi, qui entend ma requête, me répond: “j’accepte mais soyez prêts dans trente minutes quand nous repasserons. Apportez ici vos ballots afin qu’il n’y ait plus qu’à les charger et partir”. Alors, comme la veille c’est le métier de portefaix qui commence. Toutes les bonnes volontés unies aux fortes épaules se mettent de la partie et les quatre ballots arrivent au carrefour. À peine si avons eu le temps de faire nos adieux et de dire merci à ceux qui nous ont aidé, c’est presque un train pris d’assaut. Les charrettes reviennent, on hisse deux ballots sur chacune, mon compagnon et moi nous montons et le convoi file à vive allure pour Dompcevrin vers Lahaymaix où nous arrivons à dix heures et demie par une bise glaciale. Lahaymaix n’est qu’une station intermédiaire. Et le train s’arrêtant là et se déformant, que faire? J’entre à la mairie poste de la brigade. Tout y dort sauf un téléphoniste. “Laissez-moi, lui dis-je déposer ce matériel ici sous l’escalier. J’en prends la responsabilité. Là, il n’embarrasse pas et je l’enlèverai demain”. En m’entendant parler si carrément, il laisse faire. Je lui demande encore si dans la salle du téléphone où je voyais de nombreux dormeurs sur la paille, il y aurait deux places pour nous. Pas de place. Peu importe, le matériel étant à l’abri, nous avons les mains libres pour chercher ailleurs. Je réveille un brave civil, vieil ami, et il nous trouve dans le fourrage de son grenier nos deux places où nous passons le reste de la nuit à geler.
A l’aube je vais aux informations. Des voitures de ravitaillement passent direction de Couronne. Je demande une place pour mon matériel. “Volontiers, mais pour le charger où sont vos hommes de corvée. - Je vais en trouver. - Bien, mais je n’ai pas le temps d’attendre, puisque vous n’êtes pas prêt, bonsoir!” Je me mets en quête d’une voiture moins pressée. À 8 h. nous embarquons notre matériel dans un fourgon d’artillerie, nous y montons et à 9 h. nous sommes à Couronne. Là, pour nous aider au déchargement les amis ne manquent pas, mais les portes du presbytère étaient à peine assez large pour laisser passage à ces gros ballots. Je courus à l’église pour dire, comme la veille, une messe d’actions de grâces. Le soir, les ballots ouverts, nous constatons que tous ces transports et transbordements n’avaient rien brisé ni abîmé. Nos méridionaux, défilant comme au musée, faisaient fréquemment cette remarque: ”beaucoup d’églises à Marseille n’ont pas d’ornements pareils”. Le samedi nous fîmes l’inventaire. Le dépositaire, Mr. le Curé de Couronne le signa et à l’heure actuelle, j’espère, Mr le Curé des Paroches et la Division en ont pris connaissance.
Pour nous, cette mission restera une œuvre pie et patriotique dont nous garderons bien le souvenir. D’une bonne manière nous avons collaboré à l’œuvre des diocèses dévastés. Mieux vaut encore de sauver le matériel ancien auquel attachant tant de souvenirs que constituer pièce par pièce un matériel nouveau, sûrement moins harmonieux et vide de souvenirs.
Et puisque si vite et si facilement de bonnes âmes m’ont fait présent d’un bel autel portatif de missionnaire, je suis heureux d’avoir un peu payé ma dette à Dieu en sauvant dans son diocèse de Verdun la riche sacristie des Paroches.
P. Vulcain.
Aux organisateurs de la messe aux soldats aux avant-postes
Elle est très juste votre demande d’avoir une petite relation de ma première messe aux avant-postes. Je m’exécute, rapidement, dans des conditions trop militaires, assez défectueuses, mais de tout cœur.
Voulant écrire cette relation à la sacristie de notre petite église de Lahaymaix, j’ai trouvé dans la nef une large table d’opérations, entourée de 10 majors et infirmiers en blouse blanche. Un homme était là, le torse nu. Il s’agit sans doute d’une vaccination contre la typhoïde. Tous, bientôt, nous allons défiler là, sous l’œil de Dieu qui nous préservera de l’épidémie mieux que le coup de lancette et le sérum. En attendant ma vaccination, devant le chemin de ma sacristie barré, je me retire prudemment, modestement. Me voilà écrivant à une table Lorraine, fermant l’oreille aux bruits des nombreux convives.
C’est vendredi soir, 11 décembre, que l’autel m’est parvenu, à l’heure de la soupe. La soupe finie, dans une maison de bons Lorrains chrétiens, nous défaisons le paquet. Nous remarquons tout: le scapulaire du Sacré-Cœur collé entre les deux couvertures. La note qui doit nous guider dans notre première inspection et qui nous commande un soin tout particulier dans cette première inspection.
Faisant ce travail avec d’autres et surtout en présence de quelques femmes, j’étais assez rassuré. Rien n’a couru le risque de s’égarer, de ne pas retrouver sa place, d’être déformé, d’être forcé! Mais toute notre attention n’empêchait pas notre admiration et notre émotion. Une femme peu pratiquante était là. En quittant la maison où elle avait demandé de rester jusqu’au déballage complet, elle avait les larmes aux yeux.
Ce soir-là et le lendemain furent, pour notre autel, si léger, si complet, si soigné, si riche, un jour d’exposition. J’avais intéressé à notre projet bien des amis d’ici. En retour de leurs prières, cette satisfaction était bien due à leur curiosité. Il fallait surtout se hâter d’organiser une messe pour le dimanche. Mr. l’Aumônier de la division fit la plupart des démarches. Mardi dernier il avait porté la communion à un commandant, dans les bois. Par une heureuse inspiration il avait emporté quatre hosties consacrées. Or quatre-vingt-cinq soldats s’étaient confessés et il n’avait pu en communier que seize. Ce ministère, venu, par hasard, grâce à l’appel d’un pieux commandant, nous montrait assez bien que nous ferions en organisant un ministère régulier et complet: messes, confessions, communions. Toutes les demandes, toutes les autorisations, tous les encouragements vinrent sans tarder. Pour le dimanche, 13, je reçus des instructions presque comme je les souhaitais. Ce ministère si réussi, dès le premier jour, et à l’improviste, le temps et l’expérience l’amélioreront.
Une des arêtes de la caisse d’autel s’était déclouée dans le transport. je fis renforcer toutes les arêtes avec des bandes de cuir. Dans cette caisse je n’avais pas trouvé de clochette. Un habitant me prêta un grelot avertisseur, pendu à la poignée de sa porte: grelot de mulet qui teinte assez agréablement
Personne ne parlait de la question du temps. Il était mauvais et menaçant pour le lendemain. Chacun priait pour qu’il ne s’aggrava pas, de façon à empêcher notre messe, en dépit de tous nos préparatifs.
Vent et pluie ne cessèrent pas de la nuit. Au matin c’était déjà un temps à se risquer dehors. 0 8 heures je pars dans la pluie et le vent, pour une promenade de 4 kilomètres dans la boue. Si les pieds se mouillent, par contre il ne fait pas très froid. J’ai revêtu l’imperméable des Petites Relations d’Orient et mon autel est imperméable aussi dans une de ses couvertures de transport. Mais là-bas, la haut, dans le bois, auront-ils persévéré? M’attendent-ils encore? Croiront-ils possible de réussir un abri suffisant et auront-ils, sous la pluie, le courage, les moyens et le temps de préparer cet abri?
Je ne poserai plus ces questions dorénavant. Je n’aurai plus de ces craintes. Le zèle pieux de nos soldats ne trouve jamais d’obstacle insurmontable. Mon peu de foi s’est changé en absolue confiance
A 9 heures moins vingt j’arrive au carrefour de Mareaulieu ( route de Lahaymeix à Domcevrin, les Paroches, St-Mihiel). La cabane où je dois me présenter est là, au premier angle, à gauche. Le commandant Santoni, du 40ème, l’habite depuis un ou deux jours et jusqu’à la relève de son bataillon. Navette interminable! Quelques jours à Lahaymeix, au cantonnement, quelques jours aux derniers avant-postes, quelques jours au second, et enfin 24 ou 48 heures au dures tranchées. Ensuite, par étapes inverses, retour en arrière.
Aux quatre angles de ce carrefour, dans ce bois bien éclairci par les soldats pour leurs construction et pour leur chauffage, sur un terrain boueux transformé en marais et battu par mille et mille godillots de soldats, sans aucun vrai sentier de communication, de ci, de là, des huttes, les unes déjà en ruines, abandonnées, d’autres d’un modèle plus solide et plus parfait, toutes fraîches, d’autres en construction. Y en a-t-il une où l’on prépare un abri et une table pour Celui dont j’ai porté l’autel?
Je ne suis pas longtemps en pays inconnu. Je frappe à la hutte du commandant. nul n’est étonné de mon arrivée. On m’attend et même on me connaît un peu. Missionnaire à Beyrouth, j’ai rapporté de Syrie une barbe de patriarche, sans pareille jusqu’ici parmi toutes les troupes que notre division a rencontrées. Et les ordres de couper radicalement ou de tailler les barbes par mesure de propreté et d’hygiène ne m’ont pas atteint. Je garde donc un signalement précieux. À défaut de soutane c’est quelque chose. Un blessé qui ne m’aurait jamais vu mais qui aurait entendu parler de la “grande barbe” saurait à qui s’adresser et me reconnaître.
Donc, même les Officiers avaient remarqué cette barbe et Mr l’Aumônier leur avait dit la veille: “c’est le brancardier à barbe qui viendra”. Par contraste, Monsieur le Commandant se rasait. S’il convient à un missionnaire d’avoir une belle barbe et soignée, il convient à un bon chrétien de se soigner le dimanche et c’est sûrement pour assister en grande tenue à la messe que notre commandant choisissait ce jour et cette heure pour cette toilette.
“On est en plein travail pour organiser l’abri. Ce doit être à peu près fini. Si vous le désirez, mon ordonnance vous conduira au lieutenant Fleur pour juger et achever avec lui les préparatifs.” - “Très volontaire, mon commandant”. “Et alors la messe pourra commencer à 9 h 1/2 - Elle sera terminée pour l’heure de la soupe. - Quant à vous il est entendu que vous dînez ici, avec moi. - “Mon commandant, je ne suis pas explicitement autorisé par mon commandant-major de Lahaymeix, pour ce dîner si honorable.” - Oh! alors je vais lui téléphoner” - Lui téléphoner! Je préfère ne pas vous donner cette peine et vous obéir sans plus ample examen”.
Je sors, j’ai 40pas à faire dans la boue. Voilà une hutte en construction: Une excavation carrée de un mètre de profondeur, de 7 à 8 mètres de côté. Un toit à deux pentes en bois et branchages assemblés reposent sur les côtés nord et sud de cette excavation. Les deux autres côtés est et ouest sont encore tout ouverts. Des claies de branchages sont prêtes pour fermer le côté du vent., le côté ouest si le vent devenait trop violent. Au milieu et au bord du côté nord, sur quatre piquets enfoncés en terre, une table solide. Elle est recouverte d’une couverture de soldat, très propre celle-là: elle n’a pas encore roulé dans la boue des tranchées. Au dessus de la table, la pente du toit en feuillage est doublée à l’intérieur de toiles imperméables de soldats. Et les fleurs manquant, ainsi que le feuillage, du lierre en abondance s’enroule aux pieds de la table et dissimule raccordements et boutons des toiles.
On travaille activement et de bon cœur. C’est un lieutenant - 12 ans de service, 20 campagnes, le lieutenant Fleur, frère d’un P. Rédemptoriste, qui dirige les ouvriers, “ces braves aveyronnais”. Il me les présente familièrement en bon papa. Il y a là au carrefour deux compagnies du 40ème, compagnie de territoriaux nouvellement arrivés. Le lieutenant ne trouve que des éloges à faire de ces braves, si foncièrement chrétiens. “Vous en voyez 10 ou 20 qui m’aident. Vous verrez tous les autres à votre messe” me dit le lieutenant.
Je demande un servant de messe. Il s’offre tout de suite et reçoit le grelot. Je demande deux lanternes pour y abriter du vent mes cierges; et deux lanternes à trois ... faces me sont apportées.
Devant la table d’autel, on couche une claie de menues branches pour couvrir la boue. C’est le premier degré d’autel. Par dessus un large fond de caisse. C’est le deuxième degré. Et par dessus on voudrait mettre un tapis militaire, c’est-à-dire une couverture de soldat. On trouverait à mon pied des souliers propres ou des chaussons. C’est en effet un objet que je n’oublierai pas la prochaine fois. J’apporterai mes chaussons.
Pour ne pas tarder je sacrifie et les chaussons et le tapis. En face de la table d’autel, contre la paroi de terre sud, on place une caisse. Ce sera un siège, l’unique pour le commandant. Sur le sol boueux de la hutte, chaque feu voisin apporte une dîme de cendres. Et deux faisceaux de Lebel sont mis à droite et à gauche
Le commandant prend place entouré des officiers. Les soldats sont en dehors, à l’est et à l’ouest, plongeant du regard vers l’autel. Et le commandant fait descendre dans l’excavation tous ceux qui peuvent encore y trouver une place; ainsi chacun n’est-il pas à sa vraie place: les simples soldats à la pluie et au vent, les officiers un peu abrités mais les pieds dans le sol boueux, le ministre de Dieu un peu au dessus de terre et de la boue et enfin, un peu plus tard, Dieu lui-même bien plus haut, sur l’autel si magnifique que l’on vient de déployer sur la table.
J’étais déjà rompu à cette installation. À une toile du toit, le crucifix supportant son piédestal fut épinglé. Une épingle anglaise en bandoulière au croisillon fit très bien l’affaire.- La nappe repliée sur la planche d’autel ne risquait pas de s’envoler. Mais à peine avais-je posé l’hostie sur la patène qu’elle s’envola dans la boue. Heureux accident! En dépit des petites rubriques, le cas étant de force majeure, la patène me servit à presser et à retenir l’hostie nouvelle. Le Missel se comportait très bien. Je l’avais assoupli et décollé les pages nécessaires.
Et la messe commença devant 200 soldats très curieux, très étonnés, je revêts les ornements sacerdotaux. Ce fut ensuite le silence et le recueillement parfaits. (Souvent il se rencontrera dans ces compagnies des confrères prêtres qui pourront faire prier, chanter. Ce jour-là j’étais seul). Les gouttes de pluie dégouttèrent toutes en dehors de l’autel. Le vent était arrêté par une cloison: cloison vivante de 200 soldats pressés les uns contre les autres. Et en union avec tous, bien sûr, j’offris mon sacrifice pour les organisateurs, les assistants, pour la victoire, pour la paix, pour la France; Que d’intentions aussi au Mémento des morts!
“Tous ces Aveyronnais se seraient confessé et auraient communié,” me disait le lieutenant Fleur, “s’ils avaient été avertis à temps et, pour plus tard, le moyen pratique sera de venir au bois, la veille au soir et d’y coucher ou encore d’y venir très tôt le matin, non pas au rendez-vous tardif de 9 heures.”
En cette première messe, je n’ai donc pas eu la satisfaction de donner le grand sacrement aux soldats. Mais leur dévotion alla bien, jusqu’à la communion spirituelle.
“Vous terminerez pour l’heure de la soupe” m’avait dit le commandant. je crus ne pas trop la retarder en disant un mot; je m’en excusai: mot de remerciements non pas tant aux présents qui pourtant avaient tant aidé à l’organisation. Mais un mot de remerciement pour les absents et les anonymes qui, d’une façon ou de l’autre avaient organisé cette messe aux avant-postes. les chefs de la division, Mr l’Aumônier, ceux surtout qui avaient offert et préparé l’autel. Je rappelai la scène de la multiplication des pains: une foule pieuse, fidèle à N.S., souffrant de faim et de chaud; la compassion de N.S. pour eux, son désir et son projet de les rassasier; la délicate attention de chercher un collaborateur à son bienfait dans l’enfant qui portait 5 pains et 3 petits poissons, la joie de cet enfant d’avoir aidé au grand miracle, au rassasiement des 3000 hommes. Orant disais-je, je me promet de dire aux organisateurs, après leur avoir rappelé cette scène; “il y avait ici, dans les bois de la Meuse des milliers de soldats qui suivaient amoureusement Jésus. Car le soldat chrétien qui fait son devoir ne suit-il pas véritablement Jésus! et ils le suivent plusieurs jours de suite, malgré la pluie, le froid, les privations, les souffrances, les dangers de la guerre. Et Jésus a eu pitié de cette foule et de ses épreuves et il a eu le projet de les rassasier de consolations et de forces. Et il a inspiré à des inconnus généraux d’organiser cette messe aux avant-postes. Ce sera le grand moyen de rassasiement, le grand miracle. Et comme l’enfant qui donne 5 pains et 3 petits poissons, des bienfaiteurs sont heureux de ce qu’ils ont offert: la soie des ornements, l’or du calice. C’est grâce à tout cela que cette messe est dite et cette foule de soldats rassasiée.
Et de même qu’il y eut 2 multiplications, ces messes aux avant-postes se renouvelleront. Le vœu des organisateurs sera rempli. Comme récompense ils ne désirent que cela et quelques prières. -Aussi, pour ces organisateurs nous avons dit de tout cœur un Pater et un Ave.
Alors la foule s’écoule, à contrecœur, et regardant vers l’autel le plus longtemps possible. Le commandant me confie pour mon déjeuner au lieutenant Fleur et me rappelle ma promesse pour le dîner. Je dénoue les cordons de ma chasuble. Et voici un lieutenant qui vient vers moi les larmes aux yeux: ”Monsieur l’Abbé, je tiens à vous dire combien j’ai été ému de cette cérémonie. Je suis très touché. Je n’appartiens pas à votre culte, je suis protestant. Mais à défaut de mon culte, j’ai assisté au vôtre et j’ai été profondément ému. Oui, nous sommes chrétiens et nous pouvons être très unis de prière”. Et les larmes coulaient toujours. Plusieurs croyaient que je retrouvais un ami ou un parent. Je l’invitais à venir continuer notre conversation au prochain déjeuner. Avec le lieutenant Fleur je rmis mon autel en boite. “ Avec mon képi à la main, je me tenais tout près de l’autel, de façon à pouvoir attraper au vol tout ce qui s’en envolerait,” me disait ce gai lieutenant. Par bonheur, avec un peu de précautions, jamais rien ne s’envolera.
Avec le lieutenant j’allai à la villa de la Légion et ce fut un vrai chocolat au lait avec beurre et pain grillé que l’on servit. Et on parla, bien sûr en soldats de la guerre, mais aussi en chrétiens et en apôtres, des choses de Dieu, le lieutenant protestant faisant chorus. Ces détails ne conviennent déjà plus à un apostolat que l’on veut s’imaginer si fatigant. Je les notes pour qu’on ne me plaigne pas trop. Mes camarades brancardiers ont lieu d’être plutôt jaloux de ce ministère. Pour la première fois, depuis le début de la campagne, sans eux, je me suis assis à une table, j’ai mangé dans une assiette, bu dans un verre et passé le dîner avec une compagnie toute choisie, presque en famille: commandant, capitaine, lieutenants. - Je retrouverai vite, heureusement, ma simplicité de soldat brancardier. À cette table nous avons parlé des missions, des œuvres de Beyrouth et j’ai vu combien nos œuvres là-bas étaient connues, admirées de tous.
Voilà mon petit récit. Puissè-je trouver partout même invitation, même accueil, même aide pour ce ministère des avant-postes. Puissè-je ne pas le rendre fastidieux bientôt par ma négligence. Vous prierez à cette intention.
Mardi matin nouvelle messe, messe des morts cette fois, dans une autre partie du bois, à la ferme de Louvant. Subitement, la veille un soldat du 203 y était mort. Touchante cérémonie! Assistance de tout un bataillon et de tous les officiers. Mêmes moins pieux de tous! Un détail nouveau: un prêtre capucin, brancardier de ce régiment, eut le bonheur après moi de célébrer la messe sur mon autel.
Ainsi notre mission se remplit, mission de l’Église, des prêtres et des organisateurs de ces messes aux avant-postes: aider les vivants, soulager les trépassés. Dimanche et mardi, à deux jours d’intervalle, la Providence nous a requis pour cette mission à double aspect: et n’est-ce pas le double aspect de cette mission que l’on lit comme un symbole sur ma chasuble et mes ornements nouveaux: blanc pour les jours de fête, pour les vivants; noir pour les jours de deuil, pour les morts. Cette mission, Dieu fasse que nous la remplissions fidèlement jusqu’à la fin de la guerre et toujours.
Merci à tous nos organisateurs, et en union de prière
P. Vulcain
Messe au Fort des Paroches
Samedi soir 6 février à 1 heure, on désigne l’équipe journalière des brancardiers qui doit partir aux Paroches pour le poste de secours installé dans la cave du Maire. Je suis un des 4 - 28 brancardiers ne pouvant ni plus ni moins former que 7 équipes, une pour chaque jour de la semaine, ce tour revient chaque semaine et c’est incontestablement mon tour.
Or chaque samedi, si mon service de brancardier ne s’y oppose pas, je reçois les autorisations nécessaires pour remplir le cher ministère de vicaire aumônier. Je pars de Courouvre avec mon autel et je reçois à Lahaymeix, une autorisation de la brigade de dire la messe de dimanche à la ferme de Louvant - Je continue ma route sur le carrefour de Domcevrin, où j’ai dit ma première messe aux avant postes et où je m’offre aux troupes bivouaquées là, pour la seconde messe du dimanche à 11 heures - offre toujours accueillie avec joie. Et après une étape totale de 12 km, autel sur le dos, j’arrive enfin à la ferme de Louvant pour y organiser la première messe du lendemain à 9 heures, pour y souper et y coucher.
Mon service de brancardier qui, militairement parlant, prime l’autre, s’opposait donc à ce ministère ordinaire. Déjà le samedi précèdent l’opposition s’était présentée. Une solution facile avait été trouvée. Un camarade de l’équipe suivante avait changé de tour avec moi et, libre jusqu’au dimanche soir, j’avais dit mes deux messes. Puis à 3 heures à Lahaymeix, j’avais pris au passage mes trois compagnons et ainsi sans entrer à Courouvre, j’avais filé avec eux aux Paroches. Je fais au même camarade la même proposition. Refus aimable, je m’adresse à d’autres - Refus désolé mais unanime. Ce refus ne m’étonne point et à défaut de dévouement et de zèle apostolique ne prouve aucune malveillance - Sauf alerte, le soldat est libre le dimanche, libre de corvées - Il peut se laver, laver son linge; lire, écrire, se reposer - L’équipe de dimanche perd ce repos, et la loi du repos hebdomadaire étant oubliée, on n’a pas encore songé à lui donner en semaine un jour de repos compensateur.
Or, pour me permettre mon ministère, faire régulièrement ou même une seule fois, 7 jours de corvées par semaine, sans jour de repos, c’est pour un camarade un gros sacrifice “ Mais c’est toujours la même équipe, la nôtre, mes trois camarades et moi qui tombons de service le dimanche, toujours nous qui sommes privés de repos” pouvais-je dire pour apitoyer - On m’eut répondu “Tant pis, faite régler les tours plus justement par les officiers, si possible - Nous nous résignons au service exigé, mais nous ne faisons pas de zèle - librement nous ne voulons pas trinquer à la place des autres”.
En effet, à défaut de la loi d’amour et de charité qui fait accepter toutes les corvées possibles raisonnables, rien de mieux à l’armée qu’une organisation parfaitement juste - Et les officiers y faisant attention et le problème étant soluble, l’organisation des équipes et des tours, va je crois se réformer.
Pour obtenir réforme immédiate en agissant hiérarchiquement, il était trop tard. Du reste, je ne me fais pas de bile et les événements que la Providence semble vouloir, je les accepte sans mauvaise humeur. Elle semblait, ce soir là, vouloir me priver de mon ministère ordinaire - Soyons optimiste, ne serait-ce pas qu’aux Paroches, mon ministère sera aussi utile et consolant? En avant donc pour les Paroches, Confiance! Débrouille-toi, ad majorem dei gloriam!
De Courouvre à Lahaymeix mon plan de bataille se dessine. Je profite de 10 minutes, arrêt de l’équipe, pour obtenir du général Thiébaut l’autorisation de dire une messe nocturne au fort des Paroches.
En me la signant très volontiers le général me dit “surtout quittez le fort et rentrez aux Paroches avant le jour pour n’exposer ni vous, ni le fort, ni le village au tir des boches - Et si vous observez cet ordre, ajoutât il souriant, je vous donnerai de nouvelles autorisations” - Compris, mon général, et la récompense chère au prêtre rendra le soldat deux fois plus fidèle à l’ordre et deux fois plus prudent”.
L’étape continue et me donne de songer aux moyens les meilleurs pour réaliser mon ministère autorisé
Sitôt arrivé aux Paroches, au poste des infirmiers régimentaires, et des brancardiers divisionnaires, poste de secours installé dans la cave du maire, je vois au poste de commandement où, encore dans une cave, se tient le commandant du bataillon qui occupe les tranchées En disant la messe à Louvant, j’avais plusieurs fois déjà rencontré ce commandant “ Mon commandant je suis condamné par le service à passer mon dimanche ici et non à Louvant et au carrefour - Or je viens d’obtenir de la brigade l’autorisation de dire une messe nocturne au fort des Paroches - Je viens vous demander conseil pour réaliser ce projet.
“Eh bien, faites téléphoner au capitaine de Montalembert commandant du fort et entendez-vous avec lui”.
“- C’est ce que je pensais, M. de Montalembert n’étant pas prévenu, il est convenable que je ne monte pas la haut, sans son invitation - Servons-nous du téléphone. J’accompagne un lieutenant et, la communication établie, le lieutenant cause avec M. de Montalembert et produit mes propositions - Entendre les répliques qui toutes font deviner chez l’absent les meilleures dispositions est très consolent. Il semble que se soit le Ciel même qui réponde à mes vœux. Le Père demande si vous trouvez possible et si vous désirez une messe au fort demain matin” Et mystérieusement, dans la réponse du capitaine de Montalembert j’entends celle de Dieu même, Oui, volontiers, qu’il vienne.”
“ Pourrait-il coucher cette nuit au fort? Il aura mieux le temps de trouver sa route ce soir, d’organiser la messe pour demain et vos heures concorderont et votre réveil sera commun” - Oui, avec joie, je lui offre l’hospitalité du fort cette nuit” - Cette fois mon projet se réalise. Il n’y a pas de blessés à transporter et pas d’apparence que mes camarades aient à en transporter cette nuit. Du reste, à trois ils s’offrent à faire le travail de quatre, et un infirmier régimentaire, confrère capucin, prendrait ma part de travail s’il le fallait - Luxe de précautions - Toute la nuit, mes trois camarades n’eurent qu’à dormir dans leur cave d’un paisible sommeil.
Je grimpe au fort, la lune n’est pas levée. Le ciel est couvert d’épais nuages. Il pleut - Jamais je n’ai fait le chemin. Moi, si malin pour m’orienter, si j’allais m’égarer - Je vois assez la route mais pas les trous d’obus qui la crèvent souvent, où je risque de dégringoler et chute plus amère, avec mon matériel! J’arrive au plateau, là ruines plus nombreuses, aucune lumière, des réseaux de fil barbelés auxquels je m’accroche, des tranchées ou des boyaux qui me disent trop bas et presque trop tard “halte là”. J’arrive enfin au fossé du fort où quelques travailleurs nocturne m’indiquent le pont levis - Arrivée pas trop maladroite! Deo gratias!
Je me fais conduire chez le capitaine de Montalembert commandant le fort. Il est avec deux lieutenants d’artillerie dont les batteries sont voisines du fort. Lui, le vieux fort est muet - On se salue cordialement. On s’étonne de pouvoir réaliser ce projet sans y avoir plus pensé et s’être plus étendu - Chacun d’avouer qu’il avait le secret désir de cette messe.
Nous allons choisir l’emplacement de cette messe, saluant au passage, dans leurs casemates, les défenseurs du fort et jetant déjà un coup d’œil sur les mutilations faites au cher fort par les bombardements.
Dans le bombardement de septembre un obus de 340 réussit à défoncer la voûte d’un corridor et sous les décombres, deux défenseurs restent ensevelis. En outre, deux autres furent tués aux avancées du fort. C’est dans la partie du corridor resté intact, à 4 mètres du monceau de décombres qui l’obstruait et ensevelissait les deux corps que l’on décide de dire la messe.
Le capitaine rédige une note indiquant le lieu l’heure et l’intention de la messe et finissant par une claire et chaude invitation à tous les soldats tant du fort que de l’extérieur, défenseurs et travailleur, d’assister à cette messe.
Revenus au poste du commandant nous prolongeons encore nos converses - (Que de choses de pareils officiers peuvent apprendre à un soldat brancardier). Puis un lieutenant nous quitte et nous passons à l’escabeau de la couchette. Couchette de trappiste, paillasse dure comme une planche sur laquelle nous nous étendimes tous trois tout habillés. Moi seul crus devoir quitter mes souliers pleins de boue pour prendre chaussettes et chaussons secs - Avec un bonnet de nuit ou un passe montagne et une ou deux couvertures, le soldat est en tenue pour dormir. Cette nuit pas une canonnade - Seul le bruit de la tempête qui rugissait sur tout le plateau découvert - A 4 1/2 la garde vient nous réveiller.
Je constate alors que ce n’est pas sans sacrifice que mon capitaine et surtout mon lieutenant ont accepté et voulu ardemment cette messe nocturne - D’ailleurs, après s’être couchés si rapidement! Il faudra si peu de minutes pour se lever que l’on ne risque rien de s’étirer un peu entre 4 1/2 et 5 heures.
Je prépare mon autel et à 5 heures je puis commencer la messe. Mes 3 officiers sont là et même deux du voisinage auxquels la nouvelle est parvenue et que la vraie dévotion amène environ 80 soldats, tous les défenseurs et les travailleurs. Tous se tiennent dans une chambrée donnant sur le corridor et sur l’autel placée en dehors du seuil de la porte dans le corridor - Le capitaine a fait disposer dans la chambrée deux rangées de bancs avec passage au milieu - C’est une nef d’église donnant sur un autel de catacombe. “Mes amis dit M. de Montalembert, cette messe d’aujourd’hui dimanche, le prêtre va la dire pour le repos de l’âme de nos 4 camarades X et Y ensevelis ici et Z et N enterrés dans l’enceinte du fort, tous les quatre tombés glorieusement pour la Patrie. Par amitié, je le sais, vous prierez pour eux avec ferveur. Et moi je suis heureux de cette messe dite ici pour eux, et de cette première messe sans doute dite au fort depuis sa création - je serai heureux d’écrire aux familles de nos 4 camarades qu’une messe a été dite pour eux où ils reposent et que vous avez prié pour eux. Ce sera une grande consolation - C’était la sexagésime. En fait d’Ordo et de Liturgie, je n’avais que les rubriques de mon petit Missel - Je crus que la sexagésime n’excluait pas les messes des morts, que les corps étaient présents, je ne m’arrêtai pas trop au compte des jours depuis la mort et je conclus : en disant en noir la messe des morts, corpore presente. Je ne sais encore si j’ai violé les Rubriques. Je remercie Dieu et les organisateurs de mon ministère avec l’autel portatif, d’avoir pu dire cette messe entre tant d’autres - Messe de dimanche pour la sanctification des vivants combattants, messe pour le repos de l’âme des combattants morts! A Mars la Tour, en d’autres cimetières guerriers, un prêtre célèbre des messes anniversaires - Il n’est pas plus heureux que moi, près de deux défenseurs écrasés là, après des jours de défense glorieuse, disant pour eux une messe nocturne. Aucun décor, aucun chant, peu de lumière - C’est une catacombe dans un fort sentinelle - Le vent violent du dehors entre par le trou mal bouché de la voûte, passe sur les décombres, vaste tombe, et souffle plusieurs fois mes cierges une messe dans les vraies tranchées ne serait guère plus froide et la lumière du jour lui donnerait un apparat qui manque complètement dans le corridor nu dans ces décombres en désordre, dans la chambrée obscure.
La messe dite, heureux d’avoir apporté chapelets et médailles, je propose un souvenir à chacun. Cela me permet de dire deux mots très courts et d’inviter chacun à porter sa médaille pour se prémunir contre la mort éternelle et à réciter le chapelet pour les soldats morts et leurs familles;
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...bombardent - j’eus à attendre 3 heures le réveil de mes compagnons de cave, messe très privée. Ce jour là, le commandant, sous réserve de prudence, permet aux habitants des caves voisines de passer dans la nôtre, et il y eut ainsi près de 40 fidèles - Messe de catacombe dans une cave voûtée, haute de 2 mètres, large de 4 longue de 20, avec une seule ouverture, celle de l’escalier donnant sur la cour.
Là, plusieurs fois déjà ont revécu les messe des catacombes, messes qui impressionnent beaucoup, même les demi indifférents, chaque semaine dans cette cave, j’ai le bonheur de célébrer une messe pour les nombreuses victimes des combats d’alentour, pour ceux que de nuit provisoirement nous enterrons dans le jardin voisin, pour le dernier que dans le milieu de janvier j’ai moi-même enterré un soir.
Par une heureuse récompense de la Providence, un photographe habile s’est trouvé une fois parmi mes ouailles de la cave et au magnésium il a réussi à prendre une photographie très bonne.
Elle restera un cher et consolent document de cette guerre où prêtres et soldats furent ensemble si unis, si bon serviteur du Dieu des armées, au pays de Jeanne d’Arc et de N. D. de Lourdes.
P. Emile Vulcain
arrivâmes sur place à minuit par une lune superbe, nous attachâmes nos montures, plaçâmes une sentinelle, {w{wqmqmhmwmwbwbwb ll\\IIIIII llllllllllllllllllll llYYlllYlllllllll llllllllllllllllllll llllllYllllllllll llllllllllllllllll lYYYYKK Times New Roman
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