Saussemesnil en bref
Département : Manche
Code postal : 50700
Population : 0 habitants
Région : Basse-Normandie
Arrondissement : Cherbourg
Canton : Valognes
Code postal : 50700
Population : 0 habitants
Région : Basse-Normandie
Arrondissement : Cherbourg
Canton : Valognes
Histoire de Saussemesnil
Saussemesnil ou Sauxemesnil ?Le nom de la paroisse de Sausemesnillo apparaît pour la première fois à l'occasion d'un procès en juillet 1288 contre Montaigu-la-Brisette, paroisse voisine au sujet des dîmes novales, c'est-à-dire l'impôt levé par l'Église sur les terres nouvellement défrichées.
Stéphane Laîné[1] réfute la signification de la graphie Sauxemesnillo comme d'un domaine saxon ou domaine de Saxi. Selon lui, les règles phonétiques n'autorisent pas cette explication, et il privilégie l'explication d'une double graphie par commodité de clerc, comme celle de Bruxelles dont le "x" se prononce "ss".
Concernant l'origine du nom de Saussemesnil, on a pensé au domaine des Saules à cause de la graphie occasionnelle de Saulxmesnil mais c'est loin d'être l'arbre du pays et d'un point de vue étymologique l'enchainement est hasardeux. L'existence de la Garde de Sauxmaresq en Forêt de Brix non loin près de Tourlaville n'apporte aucun élément probant, l'encadrement forestier étant trop tardif par rapport au sujet. La géographie historique de la paroisse montre assez que les zones les plus humides ont été défrichées tardivement (XVIe-XVIIIe siècles) et dans l'angle exactement opposé au cœur historique qu'a constitué l'église. L'existence du lieu dit Sauxemesnil à Pont-Rilly près de Négreville non plus, elle correspond au lieu d'extraction de la terre à pots par les potiers de Saussemesnil.
Un élément est à prendre en compte même s'il est d'un maniement difficile : la frontière entre Saussemesnil et ses voisines plus au nord a été un long sujet de conflit en raison des défrichements multiples pratiqués aussi par les habitants du Mesnil-au-Val et ceux du Theil. Le tracé définitif septentrional adopté à la fin du XVIIe siècle s'appuie sur le ruisseau appelé Vey Saussey. Saussey est aussi le nom d'une paroisse du Coutançais sans qu'on puisse en déduire quoi que ce soit. On peut penser que le cours d'eau est le seul élément de repère vraiment stable et repérable au milieu des défrichements. Mais de là à justifier le toponyme de Saussemesnil il y a loin de la coupe aux lèvres.
Un front continu de défrichement pendant 5 siècles.
C'est grâce à ce contentieux sur les dîmes novales qu'on peut suivre pas à pas le développement de la paroisse, la règle étant simple : le clergé ne prélève qu'à partir du moment où la terre a été réellement mise en valeur, ce qui constitue pour nous un marqueur intéressant. Si procès il y a, c'est d'une part parce que plusieurs ecclésiastiques se disputent la récolte (Abbé de Montebourg, curé de Sauxemesnil, Chapitre de Coutances) et d'autre part en raison du caractère confus du front de défrichement percé d'enclaves et de chemin creux. Comme si la progression avait été stoppée net dès le début, c'est alors vers le nord-ouest, l'ouest et le sud ouest que la paroisse s'est agrandie au fil du temps, agrandissements épaulés par des sanctuaires périphériques (Saint Martin à l'If, Ruffosses). L'histoire du peuplement marque une pause très sensible de la fin du XIVe siècle jusqu'au milieu du XVe siècle : cette partie de la presqu'île a été très durement touchée par le « grand vuydement » de 1378 imposé par la Couronne, nom donné à la politique de la terre brûlée pratiquée en Nord-Cotentin pour ralentir l'avancée anglaise dont les exactions ont probablement chassé devant elle les récalcitrants au départ. Et il y a tout lieu de penser que ceux qui n'ont pas déguerpi ont été malmenés ou enrôlés de force par les soudards et les brigands qui infestaient les bois environnants. Les indices fiscaux dont on dispose pour cette période sont assez accablants. Le pays est comme vidé durablement de sa population. C'est à la fin de cette époque de malheurs que dans un souci de reconstruction la Couronne a octroyé ou confirmé en 1461 aux habitants de cette partie du Cotentin des droits d'usage qui les autorisaient à prélever de la terre à pots. Ces droits ne visaient pas particulièrement Sauxemesnil dont le nom n'est même pas cité dans l'acte. Les intéressés se sont dépêchés d'affirmer que ces droits étaient antérieurs au débarquement anglais de 1407 mais si leurs déclarations ne prouvent rien, cela fait toujours plaisir.
La seconde histoire de Sauxemesnil commence véritablement avec le premier tiers du XVIe siècle, c'est-à-dire un peu avant Gilles de Gouberville. Les mentions les plus anciennes d'implantation de défricheurs nommément connus nous placent dans le giron de la sergenterie Pinel, dont le ressort présidait déjà à la reconnaissance des droits en 1461. Les autres intervenants sont les Laîné, famille la plus ancienne connue dans cette contrée et dont l'un des ancêtres Thomas Laîné était titulaire d'une vaquerie à son nom qui renvoie à d'autres droits d'usage. Il est temps de parler des fieffes faites par adjudication sur les lisières du Domaine royal. Le XVIe siècle a été un siècle d'émergence du droit forestier et de l'administration mise en place pour l'appliquer. Cette émergence a été contrecarrée par les besoins financiers de la monarchie jamais à court d'expedients pour se renflouer en période de guerre civile. Un de ses expédients consistait à organiser de grandes braderies locales en faveur des populations riveraines de la forêt avec le but doublement louable de mettre en valeur des portions de « terres vaines et vagues » désormais inutiles et de fixer des populations enclines à se servir elles-mêmes sans penser au lendemain. Le fait est que ces adjudications étaient faites par les commissaires du roi envoyés exprès à cet effet et que les premiers acquéreurs de ces lots de terres à mettre en valeur étaient les officiers de Valognes qui étaient en même temps seigneurs dans les paroisses environnantes. La liste est longue de ceux d'entre eux qui en ont croqué, le tour de passe passe consistant à tromper son monde sur les surfaces et la qualité des portions mises en vente. L'astuce consistant à sous-concéder à ses propres vassaux des lots de terre où il était précisément interdit de bâtir et au grand jamais d'y construire des fours dont on devine le risque incendiaire. Un peu comme dans la sous-traitance de sous-traitance aujourd'hui et leur cahier des charges, les clauses premières du contrat ont été oubliées à la première sous-concession. On va ainsi vu rapidement se créer de véritables hameaux de tuiliers et potiers dont l'administration centrale n'a découvert qu'un siècle plus tard l'existence, lors de l'inspection générale appelée Réformation menée ici par Guy Chamillart et son lieutenant.
Potiers de Saussemesnil
Réunion de plusieurs hameaux potiers implantés pendant les dernières vagues de défrichements, la paroisse a été avec Néhou et Vindefontaine l'un des principaux centres potiers du Cotentin de la fin du Moyen-Âge jusqu'au début du XXe siècle, encouragé par les seigneurs locaux qui, en tant qu'officiers des Eaux & Forêts auraient du empêcher la construction des fours à pots dans les lisières, tels Gilles de Gouberville. De vastes tribus potières répondant au nom de Mouchel, Lepoittevin et Vallognes dans se sont concentrées dans quatre hameaux longeant les frontières occidentales de la paroisse : le Grand et Petit Hameau Mouchel près de Monvason, les Rabusquets à l'Ouest et Sicqueval à la frontière de Tamerville.
Une sorte de monopole familial fondé sur les alliances matrimoniales entre clans dominants excluant de fait les intrus. C'est en partie pour cette raison qu'à la différence des centres potiers de Vindefontaine et de Ger, Saussemesnil est une communauté potière non statuée, c'est-à-dire tout sauf une corporation réglementée par des statuts : les seuls titres justificatifs de cette communauté sont usagers, c'est-à-dire qu'elle n'existe que pour le droit de prendre de la terre à pots dans la "Haye de Valognes" (Négreville) et du "bois morgu ou à demy pourry" dans la Forêt de Brix. Droit pour lequel un prévôt des potiers de Saussemesnil levait le paiement d'une rente au Domaine royal dès les années 1550. En principe les droits d'usage avaient été abolis depuis le Code forestier mais on avait fait exception pour certains cas comme Saussemesnil et Néhou à condition de limiter l'activité à un four, un hameau et un chef de famille : 2 pour les Mouchel, 1 pour les Lepoittevin et un pour les Vallognes. Ces dispositions imposées par jugement en 1674 n'ont jamais été appliquées par une entente immédiate entre potiers interdits et privilégiés à coups de vente fictives, de rotations de jouissance du four entre frères puis cousins et enfin de constructions de four dans les lisières. En 1782, le centre comprend une dizaine de fours et 32 artisans potiers. Le caractère sauvage des lisières, l'homonymie généralisée et la complicité des autorités locales (les seigneurs de Saussemesnil furent longtemps officiers des Eaux & Forêts de Valognes et les Mouchel se font recruter comme gardes-bois) ont été le plus sûr des abris.
Même si toutes ne sont pas potières, chaque tribu se divise en clans distincts reconnaissables au port d'un avernom, c'est-à-dire un surnom clanique et héréditaire. On a compté plus d'une centaine d'avernoms pour les seuls Mouchel. On a des raisons de penser que la consanguinité assez forte (6% des mariages) n'est pas seulement liée à la nécessité de verrouiller la profession à tout mariage étranger, au besoin de se rapprocher d'un four à pots légal ou de trouver un lignage qui légitime l'activité (les 3/4 de la profession sont des illégaux). La poterie n'est qu'un élément d'une conception ancienne et très élargie de la famille dont les activités sont étrangement complémentaires et analogues à celle d'une entreprise (atelier de potier, cabaretier, adjudicataire des bois, garde forestier etc...) On pense même qu'en faisant travailler les frères, cousins et beaux-frères,la profession pratique le micro-crédit et évite le salariat parce que les prix de vente de la vaisselle sont désespérément bas et supportent très difficilement la concurrence des autres matériaux. C'est probablement une des raisons de sa survie prolongée franchissant sans encombre la Révolution et la disparition des privilèges et n'acceptant définitivement les intrus qu'à condition qu'ils épousent des filles de la Tribu potière fondatrice, celle des Mouchel dit Les Riettes dont descendit la majorité des clans potiers et qui a partie liée avec l'église locale puisque plusieurs de ses descendants ont pratiqué la statuaire religieuse.
source : Wikipedia